28 de dezembro de 2008

Incandescent. Insupportable. Incroyable. Inimaginable. Irracontable. Irréversible.

Le deuxième film de Gaspar Noé est un objet filmique non identifié, une bombe sensorielle et formelle, un film unique qui prend au tripes jusqu’à l’écœurement et la nausée. Ce vrai choc tellurique aux effets durables et persistants est un film beau, magnifique, émouvant, incroyablement maîtrisé avec une esthétique jusqu’en boutiste et un message sombre et pessimiste, liés dans un même déchaînement paroxystique de sons et d’images. Irréversible, bêtement décrié par une presse de « vieux » moutons, est une ode à la féminité avant d’être une simple histoire de vengeance, une œuvre responsable et réfléchie, un chef d’œuvre hélas oublié par le jury cannois. Tout commence par un faux-générique de fin habilement déroulé à l’envers. Gaspar Noé reprend le principe de Memento de Christopher Nolan et raconte son récit non pas par une chronologie simple ou des flash-backs éclaircissant les faits mais en remontant peu à peu le temps, passant de la folie au calme, de la haine à l’amour, de l’enfer au paradis. Ce dispositif narratif n’est pas une astuce scénaristique. Il change la perception des personnes et du propos.


La première demie-heure plonge le spectateur dans le chaos. La caméra semble insaisissable, fixe la lumière, les murs, scrute le moindre personnage. On est transformé en un papillon de nuit qui recherche systématiquement la lumière. La musique de Thomas Bangalter, une moitié de Daft Punk, l’incroyable travail sur le son provoque l’hypnose. Le cœur renversé, les repères bouleversés, on guette le moindre moment de calme, pris dans une tourbillon de bruits, d’images et d’odeurs. Avec Seul contre tous, il avait déjà frappé l’imagination avec un étonnant travail sur le cadrage et l’usage d’un voix-off hallucinatoire. Pour Irréversible, il déploie sa science du plan-séquence. Admirateur de Stanley Kubrick, il reprend-là l’une des idées du maître décédé. A son sujet, sa forme. Irréversible convoque aussi Lars Von Trier, Hanecke, Peter Tcherkassky et Hou Hsiao-Hsien : Lars Von Trier, pour son esthétique proche d’Element of Crime et son goût immodéré pour la lumière ; Hanecke pour sa volonté de frapper les esprits du spectateur, non pas d’une façon gratuite et irresponsable mais pour délivrer un message, un sens ; Peter Tcherkassky pour l’impressionnant travail sur le montage et aussi cette façon de concasser l’image sans oublier la fin proche du travail expérimental de l’Autrichien sur Outerspace ; Hou Hsiao-Hsien enfin, pour les scènes d’intimité magnifiées par l’usage du plan-séquence pour délivrer une forme de vérité.


Enfin la caméra se calme. On accompagne Marcus et Pierre dans le back-room d’une boîte homo, Le Rectum. Marcus cherche Le Ténia avec visiblement des intentions belliqueuses. Pourquoi ? Gaspar Noé, en inversant la chronologie, transforme profondément le sens du film. Sans connaître le but de la vengeance, celle-ci paraît disproportionnée, animale. Noé guette la bête immonde en chaque homme. Le moment où tout bascule. Marcus cherche la bagarre et la trouve. Il se trouve rapidement à terre. Pierre, le mesuré, se saisit alors d’un extincteur. Le passage est d’une violence inouïe, le travail sur le son terrifiant. Chaque coup d’extincteur est une détonation. Peu à peu le visage de l’homme frappé est réduit en bouillie. Albert Dupontel est incroyable dans ce passage. Son regard n’exalte aucune haine, juste du soulagement et du désespoir. Retour en arrière. On assiste à la traque du Ténia par Marcus et Pierre. Ce dernier tente en vain de retenir son ami, surexcité par la drogue et la rage qui bouillonnent en lui. Gaspar Noé ne glamourise pas la recherche du violeur. Bien au contraire, il montre un engrenage. La violence appelle la violence. Œil pour œil, dent pour dent. La vengeance est un droit de l’homme. Pourquoi ? Car pour Gaspar Noé, l’homme, au contraire de la femme, est un être impulsif, secoué de pulsions violentes, un animal.


Retour en arrière. Pierre explique aux policiers comment Alex s’est retrouvée seule. Il remonte le fil d’Ariane, regrette tous les petits détails qui ont amené Alex à rentrer chez elle toute seule. Il l’aime de tous son cœur, de toutes ses tripes. Marcus aussi. Les cris de Vincent Cassel en voyant le visage tuméfié d’Alex - Monica Bellucci sont la plus forte preuve d’amour. Le spectateur est assommé, sonné. Un viol est évoqué. Gaspar Noé filme la réalité dans sa durée. Sans aucune mouvement de caméra ni ajout de musique, il nous montre donc un viol dans toute son horreur. On peut juger cela insoutenable mais en aucun cas le filmage de la scène n’est complaisant. Et c’est justement après cette scène que le procédé narratif devient non plus une astuce narrative mais un coup de génie. Irréversible n’est pas un film sur la vengeance après un viol sordide, mais un long-métrage sur le bonheur avant un événement horrible. Une fête qui tourne mal, une discussion à trois dans un métro entre Alex, l’incarnation de la féminité, Marcus son mari et Pierre son ex, et une scène d’intimité approfondissent la relation entre les personnages et donnent au film des allures de tragédie grecque. Tout semble écrit à l’avance. Le temps détruit tout.


Les acteurs sont tous formidables. L’improvisation des scènes confère à Irréversible une hyper-réalité parfois maladroite, toujours touchante. L’amour évident entre Monica Bellucci et Vincent Cassel accentue le réalisme des scènes intimes qui atteignent ainsi une vérité, la Vérité. Albert Dupontel en ex-amoureux réfléchi qui se contient, qui pense d’abord au bonheur d’autrui avant de finalement lui-aussi céder à sa pulsion animale, livre une composition étonnante. Bien sûr, Irréversible a des défauts. Gaspar Noé a conscience de sa propre virtuosité et appuie parfois son propos et ses références. Il livre néanmoins un film unique, absolu, formidable. Le temps ne détruit pas tout. Dans cinq, dix, vingt ans, le seul scandale provoqué par le film sera son absence du palmarès cannois.

Critique de Yannick Vély

1 comentário:

LADY-BIRD, ANTITABÁGIKA, FÃ DO JOMI LOL E JÁ AGORA DOS NOSSOS AMIGOS ANTI-TECNOLOGIAS: MARCHANTE (se não existissem tinham que ser inventados) disse...

olá Duarte, veja lá bem, que já com a net desligada li o texto e lembrei-me do filme...tive que cá voltar... eu já vi isto há uns tempos na dois...lol
há para li umas cenas...
Agora percebo o porquê do fogo... lol...

beijinho